• 14- Rencontre avec une médium

    J'achetais souvent des revues ésotériques et j'avais vu de nombreuses annonces pour des conférences, à la suite desquelles des médiums et des astrologues faisaient des voyances publiques. Je résolus d'y aller le dimanche suivant en me munissant d'une photo d'Henri.

    La conférence avait lieu dans une grande salle de spectacle. C'était la première fois que j'assistais à des séances de médiums. Après la conférence, ils nous avaient demandé de poser un objet personnel ou une photo sur une grande table. Une astrologue commença en traçant des horoscopes éclairs qui me parurent peu convaincants. Puis une médium se leva et fit baisser les lumières avant de prendre un objet sur lequel elle se concentra: elle repéra rapidement la personne à qui il appartenait, elle lui parla des difficultés qu'elle rencontrait et la rassura en lui disant comment les évènements allaient tourner. Elle fit de même avec plusieurs personnes.

    Il y avait beaucoup de spectateurs dans la salle, qui attendaient un message ou une réponse. Je me disais qu'il y avait peu de chance pour que la médium tombe sur la photo d'Henri.

    Tout d'un coup, je fus prise des même malaises que j'avais ressentis lors de l'apparition d'Henri: je me sentais lourde, j'avais des tremblements, j'étais incapable de bouger, mes paupières étaient lourdes...  je gardais le yeux ouverts avec difficulté et je vis la médium tomber assise sur sa chaise.

    Sans relever la tête, la médium disait:

    - Non, je ne veux pas, n'insistez pas, je ne veux pas faire de spiritisme en salle, les esprits désincarnés doivent rester où ils sont, il ne faut pas les déranger.

    Puis elle s'adressa au public pour expliquer ce qui se passait:

    - Je suis en contact télépathique avec une personne par ici, disait-elle en tendant le bras dans ma direction, parce qu'elle veut que je lui parle d'un prêtre décédé récemment. Je ne veux pas! Qu'elle cesse de m'appeler!

    J'avais envie de lui crier que ce n'était pas moi, que je n'avais aucune capacité de télépathe, que c'était certainement Henri qui nous mettait en relation, mais j'étais incapable de commander le moindre mouvement à mon corps, comme s'il ne m'appartenait plus.

    La médium se leva et demanda avec colère:

    -Qui est-ce?

     En me voyant elle se calma, et très gentiment, elle me dit que je devais venir la voir en particulier après la séance publique. Je lui fis un signe de tête affirmatif, espérant que mes malaises disparaîtraient, mais ils s'atténuèrent à peine tandis qu'elle essayait de se concentrer sur un objet déposé par une autre personne. Mais elle releva la tête en disant:

    -Il n'y a rien à faire, je ne peux pas me dégager!

    Il y eut un murmure désapprobateur dans la salle, très désagréable pour moi, sachant que je subissais autant qu'elle, la pression de l'esprit d'Henri. Je pus à peine articuler:

    - Vous voulez que je sorte?

    - Non, répondit-elle en souriant, je vais vous répondre.

    Elle ferma les yeux:

    - Il est là, je le vois, il s'appelle Henri. Il veut vous parler, mais vous ne le laissez pas faire...

    Elle n'avait même pas pris la photo d'Henri! Elle continua:

    - je sens tout mon côté droit paralysé, je tombe, j'ai froid, je ne peux plus respirer, je suffoque...

    Elle décrivait la mort d'Henri qui avait fait sans doute un AVC, et qui s'était noyé en tombant dans la citerne de son jardin.

    -  Vous êtes très angoissée par la vision que vous avez eue de lui, dit-elle encore,  il ne comprend pas pourquoi, ça le met très en colère...

    En moi-même je pensais :

    - ça c'est son problème, ce n'est pas moi qui suis allée le chercher! et je ne m' attendais pas à le revoir!

    Elle continuait:

    - Au moment où vous avez appris sa mort, vous étiez en pleine période de créativité artistique. Vous peignez?

    J’acquiesçai. Elle ajouta:

    - Je vois des pinceaux et des tableaux, très jolis, très colorés. Il vous dit de continuer! il admire votre peinture.

    C'était vrai, quand il m'avait emmené chez lui, à quinze ans, il m'avait demandé de décorer de simples vases en terre cuite pour les mettre aux pieds de la statue de la Vierge qui ornait l'entrée de sa maison, et il était très content et très fier de ce que j'avais fait.

    Puis elle me conseilla de brûler toutes les photos et les objets qui me le rappelaient en ajoutant:

     - Cessez de penser à lui, vos regrets et votre attachement pour lui, le retiennent près de vous et l'empêchent de s'élever.

    Je repartis chez moi, à la fois bouleversée et perplexe: bouleversée que la médium ait pu elle aussi le voir et l'entendre, ce qui remettait tous mes concepts en cause concernant la vie et la mort, et perplexe qu'il soit retenu près de moi par "mes regrets" ou mes "sentiments" pour lui: je ne le croyais pas! Je me souvenais que j'avais entendu la soeur dire, peu avant qu'il m'apparaisse "parle-lui, elle ne veut pas m'écouter" et je supposai qu'elle s'adressait à Henri et que c'était elle qui l'incitait à rester, pour servir d'intermédiaire entre elle et moi.

    Je voulais bien admettre que l'esprit d'Henri était présent et réel, mais l'idée que celui de la bonne-sœur me hantait "réellement"  depuis des années (et qu'elle n'était pas une simple "création de mon esprit traumatisé" comme j'avais préféré le croire!), me hérissait au plus haut point: je ne voulais pas qu'elle interfère dans ma vie comme elle l'avait fait toute mon enfance, et je trouvais insupportable l'idée qu'elle pouvait me voir et m'entendre à tous moments!

     Je rassemblais toutes les photos que j'avais de lui, mais je n'avais pas le courage de les brûler. Je les mis dans une enveloppe, pour les confier au prêtre de la paroisse, à qui je racontai ce qui s'était passé. Comme la soeur me l'avait répété assez souvent, il ne croyait pas, lui non plus, que les âmes de morts pouvaient se manifester ainsi, et il me dit tout net qu'il pensait que je divaguais. Il me surprit un peu quand il me dit qu'on ne célébrait plus de messes pour les morts, car ils allaient tout droit au ciel. Il avait éliminé de ses croyances dogmatiques, l'enfer et le purgatoire, le bien et le mal étaient en nous, et Satan n'existait plus! Enfin, il me conseilla vivement "d'oublier tout ça" et, au besoin, d'aller voir mon médecin pour me faire prescrire des somnifères!

    Il s'était fabriqué une religion confortable et rassurante, qui me convenait assez bien et j'étais prête à m'en tenir là : continuer à vivre comme je l'entendais sans me soucier de ce qui se passerait après la mort, puisque j'avais le choix, entre le néant et la Miséricorde divine! Il ne me paraissait pas nécessaire de trancher le débat dans l'immédiat : je verrai quand j'y serai!

    Ou comme disait Peanuts: "je suis heureux, laissez-moi dans mon ignorance!"

    Le même jour, j'allai à la consultation de mon médecin, qui fut sensiblement du même avis que le prêtre, et me prescrivit des somnifères!

     

    "Pour celui qui ne croit pas, aucune preuve n'est possible

     Pour celui qui croit, aucune preuve n'est nécessaire. "

     

     

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