• A mesure que nous grandissons et que nous apprenons, nous sortons de notre petit univers familier, puis nous élargissons notre esprit en faisant toujours de nouvelles découvertes et en repoussant les limites de notre vision du monde. Les limites de chacun dépendent de la volonté d'évoluer et de rechercher plus de connaissances. Le but à atteindre est "no limite" car il y a toujours quelque chose à découvrir et à comprendre.

    Je veux dire surtout que la matière n'est pas la frontière infranchissable au-delà de laquelle il n'y aurait plus rien. Ceux qui bloquent leur pensée aux limites de la matière se privent de la conscience de leur âme dans sa dimension éternelle, soit de la partie la plus importante d'eux-mêmes, le corps physique n'étant que l'enveloppe de leur être tout entier.

    J'en avais conscience très jeune surtout quand je priais avec ma grand-mère: je visualisais le monde au-delà du monde, tout naturellement, sans pouvoir l'exprimer ni le décrire. C'était la foi:

    "Lorsque nous suivons la loi cosmique, nous ne pouvons pas tomber dans l'hésitation ou le scepticisme. La vérité est pratiquée spontanément, sans conscience personnelle. Nous ne pouvons pas sombrer dans l'erreur...Nous devons croire sans pensée...cela est la foi"

    ("Le bol et le bâton" 120 contes Zen racontés par Maître Taisen Deshimaru, Spiritualités vivantes, Albin Michel)

    Mais après dix ans de pensionnat, cloîtrée chez les soeurs, avec une vie consacrée uniquement au travail scolaire et les cérémonies religieuses, puis un mariage pour pouvoir m'en échapper avec un garçon immature, volage et inconstant, un faux calme qui réglait les conflits par la violence, et surtout foncièrement athée, qui m'a déclaré de façon péremptoire et définitive: "les bondieuseries, c'est fini! il n'y a plus ni Dieu ni Diable, on ne parle plus de ces sottises", je ne sais si j'avais vraiment perdu la foi, mais je n'en parlais plus, et j'avais trop de soucis et de travail les premières années de notre vie maritale, pour me préoccuper de spiritualité et me poser des questions métaphysiques. Pourtant j'avais de nombreux "rêves" qui m'avertissaient des incartades de mon mari, mais je n'en tenais pas compte. Il a fallu que j'en aie la preuve flagrante pour admettre les faits, et nos nous sommes séparés.

    Pendant le premier été où je me suis retrouvée seule pendant un mois, je me suis inscrite à un voyage en Hongrie avec un groupe de danseurs pour apprendre les danses folkloriques de ce pays, très difficiles à part la czardas!. Nous dansions toute la journée, et nous avions parfois des soirées culturelles ou dansantes.

    Un soir, on nous proposa d'aller à un bal, dans un village près de Bekeshaba, où deux communautés d'exilés, qui vivaient en bonne harmonie, nous avaient invités.  C'étaient des allemands qui avaient fui les horreurs nazies pendant la guerre, et un groupe de gitans qui avaient quitté eux aussi l'Allemagne.

    Dès que nous sommes arrivés, l'orchestre allemand a commencé à jouer. Les couples se sont formés, et je voyais qu'aucun danseur de notre groupe, n'invitait les personnes du village qui nous recevaient. J'ai observé la salle un moment, un peu attristée par cette "ségrégation" qui se mettait en place, et sans avoir l'air d'y prêter attention, les allemands se sont mis aussi à danser entre eux. Un garçon du groupe, est venu m'inviter, mais j'ai refusé en lui disant d'inviter une allemande qui était près de moi. Il a refusé et il a invité une des nôtres.

    Au fond de la salle, les gitans ne dansaient pas et discutaient vivement. Je ne comprenais pas ce qu'ils se disaient mais je voyais qu'ils n'étaient pas contents. Il y avait parmi eux beaucoup d'enfants. Je n'hésitai pas longtemps: n'osant pas inviter un homme, et ne pouvant inviter une femme, je suis allée droit vers les enfants et en deux temps trois mouvements, j'ai organisé une ronde avec les enfants en leur faisant faire des figures simples et accessibles qui se pratiquent dans les écoles de tous les pays d'Europe, un tour à droite, un tour à gauche , vers le milieu, puis en arrière, un petit tour avec son cavalier de droite, puis avec celui de gauche...Les enfants étaient ravis, et quelques femmes se sont placées dans la ronde avec nous. Puis j'ai dansé avec un jeune garçon, puis un autre... quelques allemands, hommes et femmes, aussi sont venus m'inviter...et je m'arrêtais de temps en temps pour souffler.

    Je me suis arrêtée de danser avant la fin car j'étais quand même très fatiguée! je me suis assise à côté de notre accompagnateur hongrois. Il parlait avec un petit homme âgé, tout habillé de noir, assis près de nous. Le petit homme s'adressait à moi par l'intermédiaire de notre accompagnateur qui parlait un peu français. Après m'avoir fait des compliments et des remerciements pour avoir fait danser "les enfants de son peuple", le petit homme lui dit:

    - elle est comme nous mais elle ne le sait pas encore,

    Puis après un moment de réflexion, il a dit:

    - je vais l'aider.

    Il m'a fait agenouiller devant lui, et il a posé sa main sur ma tête en disant quelques mots qui ressemblaient à des prières. Je n'ai compris que plus tard, qu'il priait les esprits pour éveiller ma conscience et me révéler mon don de médium. Quand il a dit "elle est comme nous", signifiait que je pouvais voir au-delà de la matière, comme la plupart des gitans que les gens sceptiques appellent souvent "les diseurs de bonne aventure" pour se moquer de ces "fadaises", mais je n'en avais pas encore conscience.

      Puis l'accompagnateur m'a dit:

    - il t'a fait un grand honneur, c'est le roi des gitans de Hongrie! Maintenant, pour tous les siens, tu as droit à leur respect.

    Quand ce fut le moment de repartir, tous les enfants se sont rangés en deux lignes pour m'accompagner jusqu'au car,  en faisant une haie d'honneur, et à mesure que je passais au milieu d'eux, ils me touchaient d'un geste amical pour me dire adieu, c'était embarrassant et attendrissant, j'en avais les larmes aux yeux en montant dans le car.

    Bizarrement à partir de ce jour-là, mes compagnons de voyage m'ont mise à l'écart et ne me parlaient plus comme si j'avais fait quelque chose d'abominable! Je pense qu'ils reportaient sur moi, le mépris qu'ils avaient pour ce peuple, mais j'avais quand même du mal à comprendre leur attitude, ça me paraissait insensé.

     

    A suivre

     

     

     


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